Forest schools au Japon : Shinrin-yoku ou bains de forêt

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Dans les forest schools, ces écoles atypiques en plein-air, l’immersion dans la nature est au cœur de l’éducation des enfants. Les écoles de la forêt japonaises, appelées Mori-no-youchien, trouvent leur origine dans le concept de shinrin-yoku, soit littéralement « prendre l’atmosphère de la forêt ». Il s’agit d’une activité durant laquelle enfants comme adultes entrent en harmonie avec la nature et marchent en milieu boisé pour se ressourcer. Au Japon, l’essor des forest schools est intimement lié à la pratique du bain de forêt, mais aussi au respect ancestral voué aux éléments et aux études scientifiques inédites qui en ont prouvé les bienfaits thérapeutiques.

Dans la société japonaise en mal de verdure, de plus en plus connectée aux outils technologiques mais déconnectée de la nature, la croissance des forest schools manifeste un véritable besoin. Celui de sortir du stress, de la pollution et des règles strictes pour renouer avec la nature, mais aussi une culture.

Le bain de forêt japonais, une forest school thérapeutique reconnue par l'État

En inventant le terme de shinrin-yoku en 1982, Akiyama Tomohide, directeur de l’Agence japonaise des Forêts, écrivait une nouvelle page dans l’histoire de la relation entre les Japonais et la nature. Il répondait alors à un souhait : inciter à la visite des forêts du Japon, pour favoriser le bien-être et permettre une revalorisation des terres.

La création de ce terme a permis de verbaliser un concept, un ressenti et une expérience communément admise : marcher en forêt fait du bien, au corps comme à l’esprit. Médiatisé et encouragé par les autorités sanitaires, le bain de forêt devient rapidement une institution nationale et la pierre angulaire de la politique de médecine préventive au Japon.

Mais jusqu’alors, comme le soulignait le chercheur japonais Miyazaki Yoshifumi, « aucune donnée scientifique ne venait étayer ces propos qui relèvent du simple bon sens ». C’est ainsi que dans les années 1990, sur l’île de Yakushima, il s’attèle à prouver les effets et les avantages de la thérapie forestière. Il détaille ses conclusions dans son ouvrage Les bains de forêt, le secret japonais pour apaiser notre esprit et être en meilleure santé, paru en 2018.

Grâce à ses publications, Miyazaki Yoshifumi donne alors un crédit scientifique inédit au bain de forêt. Il est notamment l’inventeur de la « thérapie forestière », une pratique prise très au sérieux au Japon et encadrée par des spécialistes agréés. Depuis, ce sont 62 zones de l’archipel qui ont été officiellement déclarées « bases thérapeutiques ». Ainsi, au Japon, l’inspiration des forest schools est avant tout thérapeutique.

Les japonais et le bain de forêt, une longue histoire d'amour

Si la thérapie forestière, appelée en France « sylvothérapie », est désormais reconnue et pratiquée dans le monde entier, les japonais en restent les précurseurs. Pourquoi le shinrin-yoku a-t-il été développé au Japon ? À cette question, Miyazaki Yoshifumi répond que « les Japonais se considèrent comme sur un pied d’égalité avec la nature » et non pas au-dessus d’elle, comme cela peut-être le cas en Occident.

Bien avant la naissance officielle du shinrin-yoku, les Japonais entretenaient déjà une relation forte et unique avec la nature qui les entoure. Du bouddhisme zen au shintoïsme, la nature est empreinte d’un mystère sacré. La nature a toujours été une école spirituelle pour les japonais. À travers des cultes, des arts, mais aussi un champ lexical dédié, les expressions culturelles nipponnes manifestent respect et admiration envers la nature. Ainsi, la contemplation des cerisiers en fleurs se nomme hanami, celle de la lune, tsukimi.

Faune et flore abondent de merveilles et d’espèces endémiques, expliquant également la fascination japonaise pour les cycles de la vie animale, des saisons, pour les mouvements de l’eau et du ciel, l’évolution des fleurs et des arbres. Nous avons largement écho, en Occident, de leur excellence dans la pratique ancestrale de l’ikebana ou des emblématiques jardins japonais. Nous savons peut-être moins que les Japonais ont cherché par là à recréer un monde végétal aussi sublime qu’omniprésent. En effet, les forêts ne recouvrent pas moins de deux tiers de la superficie du Japon !

Et pourtant, nous avons souvent aujourd’hui l’image d’un pays urbanisé, aux technologies avancées et aux espaces urbains surpeuplés. Le monde contemporain est à l’origine d’une scission entre les dernières générations et la nature. Les jeunes, en particulier, ne profitent que peu voire jamais de cette part de leur histoire et de leur territoire.

Le bain de forêt comme réponse thérapeutique aux enjeux contemporains

Les bains de forêt s’avèrent plus que jamais salutaires au Japon. C’est le constat que fait Miyazaki Yoshifumi dans son ouvrage sur le shinrin-yoku : « Les enfants aussi souffrent des effets du monde moderne : la dépression et le stress sont en augmentation chez les jeunes. La pression grandissante à l’école et l’usage intensif des outils technologiques tels que les smartphones les épuisent. Passer du temps dans la nature est donc aussi profitable aux enfants qu’aux adultes. »

Dans un pays très citadin, où les jeunes passent jusqu’à 7h par jour sur leur smartphone, respirer à nouveau l’air pur de la forêt devient presque une nécessité. Comme le dit Miyazaki Yoshifumi, nos corps sont génétiquement adaptés à la vie dans la nature, et non pas à la vie devant les écrans. L’expansion du stress et de la dépression sont alors une fatalité qui n’a rien de surprenant.

Les catastrophes, qu’elles soient naturelles, climatiques, ou de cause humaine, ont aussi le pouvoir de questionner nos modes de vie. En 2011, l’accident nucléaire de Fukushima entrainait un sursaut chez les Japonais. Lorsque le monde ne semble plus tourner rond, la nécessité d’un retour à la nature semble couler de source.

L'essor fulgurant des forest schools au Japon

C’est dans ce contexte que les forest schools se fraient un chemin dans la vie des Japonais. Ces établissements permettent de réinvestir les forêts du territoire, ainsi qu’une culture oubliée. La marche et la contemplation sont d’ailleurs des composantes essentielles des forest schools japonaises. La randonnée offre aux enfants un espace de découverte de leurs aptitudes physiques comme de leur environnement. Souvent, des parents volontaires participent à la gestion de la forest school.

Au Japon, les forest schools et les escapades en pleine nature sont aussi une manière d’échapper aux règles normatives strictes de la société japonaise. Selon Hiroe Kido, une universitaire japonaise, les parents sont de plus en plus inquiets face à l’explosion du stress et des technologies. Ils déplorent la perte de contact de leurs enfants avec la nature. En écho à cette inquiétude, la demande en matière de forest school et de pédagogie par la nature explose.

Dans ses recherches sur les Waldkindergarten, ou « maternelles en forêt », Hiroe Kido a pu recenser plus d’une centaine de forest schools japonaises inspirées du modèle allemand. Malgré des frais parfois très élevés, les forest schools japonaises restent très populaires et croulent sous les inscriptions. Les parents japonais font preuve d’une forte motivation et d’un intérêt grandissant pour ce type de structure. En réponse aux enjeux contemporains de santé et d’environnement, les forest schools japonaises sont aujourd’hui plus que jamais vouées à se démultiplier.

Joana Durbaku

A propos des Décliques

Fini les écrans, les enfants se reconnectent à la nature ! Découvrez les forest schools des petits citadins avec Les Décliques. Une fois par semaine, les enfants de 6 à 11 ans vivent une escapade inoubliable dans le coin de verdure de leur quartier.

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